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Spitzberg 2018 - Le récit

Dernière mise à jour : 1 oct. 2020


25 mars 2018

Au terme d'une longue journée de voyage qui nous a vu partir de Lyon, passer par Paris et Oslo, nous atterrissons à Longyearbyen. Dès la sortie de l'avion, le vent froid qui balaye le tarmac nous rappelle que nos vêtements de voyage ne sont pas adaptés à la rigueur du climat local ! Nous faisons la connaissance de notre guide dans le petit terminal de l'aéroport et notre groupe de huit personnes ainsi complet rejoint sans tarder la Guesthouse pour une petite nuit de sommeil bien méritée.

26 mars 2018

La lumière du jour nous révèle un peu mieux l'environnement de la capitale administrative du Svalbard, bordée par le Fjord et les montagnes :


Le temps est plutôt gris et austère pour le moment. Nous passons la journée à préparer le départ prévu le lendemain : montage/démontage des tentes, essais des chaussures et vêtements grand froid, revue du matériel...


27 mars 2018

Après un dernier briefing sur le froid et l'ours et quelques ajustements sur ce que nous allons emporter, c'est le grand départ ! Nous récupérons les deux chiens de traîneau Birk et Matrix qui nous accompagneront tout au long du raid et montons tous dans une chenillette plutôt atypique :


Après 3h de trajet bruyant et mouvementé, nous sommes déposés sur le glacier de Rabotbreen, loin de toute civilisation. C'est là que les choses sérieuses commencent... Pour l'heure il est temps de monter le camp pour la première fois, rituel que nous répéterons presque tous les soirs pendant les 11 jours qui suivront : montage de la tente mess en commun puis de nos tentes respectives par duo. Au bout de 10 minutes à nous battre avec des arceaux dont les élastiques qui en assurent la rigidité sont détendus, j'ai déjà l'onglet et prends alors la mesure de ce qui nous attend. Désormais, chaque manipulation va être rendue beaucoup plus compliquée par le froid et il faudra anticiper chaque geste, s'exposer le moins possible, rester au sec...

28 mars 2018

Un rituel matinal se met tout doucement en place :

Au réveil, il me faut tout d'abord ouvrir mon sac de couchage grand froid. Ce n'est clairement pas la partie la plus agréable, d'autant plus qu'au fil de l'expédition celui-ci va se charger de l'humidité que je dégage en respirant et en transpirant et se couvrir de givre. J'enlève ensuite mes chaussettes de nuit pour enfiler à la place une paire de chaussettes fines qui ont passé la nuit au fond du sac de couchage afin de sécher. Par dessus, je glisse un sac poubelle qui aura pour but d'empêcher ma transpiration de mouiller la deuxième paire de chaussettes épaisses en laine puis les chaussons isolants et enfin les chaussures. Mais avant d'enfiler celles-ci je dois me contorsionner pour mettre mon

pantalon à bretelles, mon collant ne me quittant jamais tel une seconde peau. De même, je dors avec mon tee-shirt manches longues thermique moulant, une micro-polaire et une polaire avec dans les poches toutes les piles et batteries que le froid pourrait décharger. Je n'ai plus qu'à enfiler la doudoune grand froid et je suis prêt à affronter les éléments pour aller prendre mon petit-déjeuner dans la tente mess.

Celui-ci consiste en un thé, un grand bol de muesli et/ou des biscottes avec beurre, chocolat, etc. Pas tout à fait mon breakfast habituel mais je profite du fait qu'ici, toutes les calories sont bonnes à prendre car la dépense énergétique est conséquente. Je récupère mon thermos que notre guide a pris le soin de remplir avec la neige qu'il a fait fondre au réchaud, afin d'assurer nos besoins hydriques pour la journée de marche.

Il ne reste plus qu'à replier les duvets, matelas, sacs et tentes et c'est parti pour 5 à 9 heures de progression.

Nous démarrons sous quelques flocons de neige et commençons à prendre nos marques avec le matériel : nous tirons tout notre matériel dans une pulka, sorte de grosse luge attachée par des cordes à un harnais que nous portons sur nous. À nos pied, des skis de randonnée nordique avec des peaux phoques collées en permanence sous la semelle pour nous permettre d'avancer sans reculer. Les fixations sont une simple plaque de plastique avec deux sangles pour y maintenir nos chaussures, le talon restant bien sûr libre.


Le début s'avère un peu chaotique car les chiens tirent par à-coups dans toutes les directions, finalement nous les attacherons tous les deux à la lourde pulka du guide, ce qui le soulagera pour la suite de la progression.



Après avoir évolué dans un décor de glace surréaliste, nous terminons la journée par une très longue montée avec un léger vent de face et montons le camp en haut du glacier.



Couchés à 20h30, le thermomètre indique -20°C, la nuit s'annonce glaciale...

29 mars 2018

-25°C au petit jour, autant dire que ça commence à piquer ! Néanmoins le vent est retombé et le soleil brille, la journée s'annonce somptueuse. Nous progressons rapidement à la faveur d'une longue descente jusqu'à la côte Est où le glacier se jette dans la mer.


Nous posons notre premier camp sur la banquise ! Cela fait un drôle d'effet de savoir que nous évoluons désormais sur la mer de Barents, seulement séparés de l'élément liquide par quelques petites dizaines de centimètres de glace et de neige. Celle-ci a d'ailleurs un goût salé lorsque je la fais fondre dans ma soupe du midi.


Qui dit mer dit phoques et qui dit phoques dit ours polaire... Bien qu'aucune trace de vie ne se manifeste aux alentours, à l'exception de quelques lagopèdes blancs et de mouettes, ici on ne rigole pas avec la présence éventuelle du maître des lieux, autant protégé que redouté.

Aussi, pour les jours à venir, nous allons devoir mettre en place notre dispositif anti-ours :

Tout d'abord la disposition du camp en triangle : dans un coin la tente mess, dans un autre les sacs de nourriture un peu à l'écart, enfin les tentes doubles dans l'axe de l'ouverture de la tente mess où dort notre guide, le tout en fonction du sens du vent et du relief environnant... Les chiens sont attachés non loin pour donner l'alerte au cas où un visiteur s'approcherait du camp.

Aucune trace de nourriture ne doit se trouver dans les tentes, y compris les papiers de barres énergétiques consommées, car l'animal a un odorat exceptionnel et est capable de déceler la présence d’un phoque à une dizaine de kilomètres et l’odeur d’une baleine échouée à plus de trente kilomètres à la ronde.

Nous mettons aussi en place des tours de garde de 2h chacun une nuit sur deux. Équipés d'une lampe torche (bien que le jour soit maintenant quasi permanent) et d'un pistolet d'alarme, nous tournons autour du camp pour manifester notre présence et détecter celle de l'ours. Seul notre guide est habilité (et obligé) de porter une vraie arme, en dernier recours.

30 mars 2018

Matinée splendide sur la banquise, puis la glace se fait plus chaotique l'après-midi avec un vent froid qui se lève dans notre dos.


Nous tombons sur une cabane non loin de la baie de Dunérbukta où nous décidons de passer la nuit. Sur l'instant nous sommes contents de ne pas avoir à monter les tentes, néanmoins l'abri dont la porte est totalement dégondée est un véritable courant d'air et la nuit (passée pour ma part par terre devant l'ouverture) se révèle l'une des plus difficiles du séjour.


31 mars 2018

Nous poursuivons notre progression sur la banquise, naviguant entre les icebergs prisonniers des glaces.


Le temps est beau mais un vent soutenu nous accompagne jusqu'à la baie d'Agardhbukta et pompe notre chaleur corporelle. Depuis 2 jours, les gros gants de ski que j'utilise pour marcher pendant la journée sont humides aux extrémités, et étant particulièrement sensible au niveau de celles-ci je dois très fréquemment mouliner les bras pour renvoyer le sang jusqu'au bout. À part cela la forme est excellente et je parviens à me réchauffer complétement en "poussant" un peu sur les skis et arriver confortable pour monter le camp près d'une cabane dominant la baie (celle-ci est privée, il s'agit d'une résidence secondaire d'où les occupants repartent justement en motoneige jusqu'à Longyearbyen après y avoir passé le weekend). Mais lorsque je retire mes gants dans la tente, je constate avec stupeur des gelures qui se manifestent par l'apparence d'ampoules, notamment au petit doigt de la main droite.


C'est un peu la douche froide, mais à ce stade il n'y a rien de grave et d'irréversible, donc l'aventure continue à condition de ne plus exposer mes mains au froid. Pas facile, désormais je vais devoir garder presque en permanence mes grosses moufles d'expédition que j'avais achetées par précaution et que je gardais en réserve... Cela ne facilite pas les gestes du quotidien mais je peux me faire aider et je vais petit à petit développer des techniques pour compenser le manque de dextérité.

Pour ne rien arranger, l'autre main est enflée comme un oeuf sans doute suite à un choc avec la pulka lors d'une descente...


1er avril 2018

Le vent s'est renforcé dans la nuit et souffle à près de 40 km/h, ce qui rend très compliqué le démontage du camp. Nous décidons de passer la journée sur place afin de reposer les organismes qui commencent à être éprouvés.




2 avril 2018

Au réveil le vent est totalement tombé et les conditions sont optimales pour traverser la baie d'Agardhbukta, sublime !


Nous traversons le passage le plus délicat du parcours, une zone où l'eau libre arrive souvent jusqu'à la côte qui est bordée de falaises. Ce jour-là il y a une mince pellicule de glace un peu humide qui colle aux skis mais qui est largement suffisante pour supporter notre poids.


Nous quittons la banquise au niveau de la baie d'Inglefield, bordée par l'imposant front de glace bleutée de trois kilomètres de large du glacier Nordsysselbreen, et montons camper sur la moraine dans une zone la moins exposée possible.


Je prends mon premier tour de garde, ayant été "dispensé" la veille en raison de mes gelures, grâce à la belle solidarité qui anime le groupe.

Je profite de ce moment où je suis seul face à la banquise et au glacier, à tourner autour du camp dans le froid et la semi-obscurité de la nuit mais simplement heureux d'être là et me sentant plus vivant que jamais...

3 avril 2018

Nous naviguons dans la moraine pour en sortir avant d'attaquer la plus longue montée du circuit sous un soleil radieux.


En haut, nous profitons de la vue magnifique et des conditions parfaites pour nous octroyer une belle pause déjeuner.

Habituellement nous effectuons un arrêt relativement bref pour éviter de nous refroidir : une fois enfilée la doudoune, nous avalons une soupe de nouilles chaude et quelques oléagineux et/ou biscuits avant de repartir. Le reste des apports nutritionnels de la journée sont assurés par deux ou trois barres énergétiques et le repas du soir alternant plats lyophilisés et plats cuisinés (notre guide fait des prouesses dans cet exercice) est plus conséquent.

S'ensuit une longue descente dans la vallée de Kjellström jusqu'à un lac gelé à proximité duquel nous plantons les tentes.


4 avril 2018

Le soleil est désormais au beau fixe et ne nous quittera plus jusqu'à la fin du circuit qui se rapproche pas à pas. Le vent n'est plus de la partie, hormis quelques "courants d'air" dans les immenses vallées que nous traversons, nous sommes chanceux !

Cela n'est pas pour me déplaire car l'état de mes doigts s'est stabilisé. Il faut dire que je bous presque dans mes moufles trop chaudes, celles-ci sont trempées par ma transpiration et gèlent le soir mais leur isolation thermique est telle qu'elles conservent tout de même sans problème la chaleur de mes mains.

Au détour d'une gorge, nous croisons une autre expédition française qui effectue le même tour que nous mais dans le sens inverse (face aux vents dominants). Après quelques jours sans apercevoir âme qui vive, c'est un moment sympathique ! Peu après, ce sont trois traîneaux traditionnels en bois tirés par des attelages de six de chiens que nous laissons passer, puis bientôt le ronflement des motoneiges... Nous sentons que nous nous rapprochons petit à petit de la civilisation.


5 avril 2018

Nous entrons dans Reindalen, littéralement la vallée des rennes, la plus grande du Svalbard longue de plus de 40km.

Nous progressons d'une petite vingtaine de kilomètres par jour, mais l'immensité du paysage nous donne par moment l'impression de ne pas avancer et il nous tarde désormais de boucler notre circuit.


Nous croisons quelques rennes du Svalbard qui viennent passer l'hiver dans cette vallée, ainsi que des lagopèdes blancs.




6 avril 2018

Nous terminons notre périple sous un soleil toujours magnifique et montons une dernière fois notre camp sur un promontoire surplombant Reindalen après nous être tous congratulés.

7 avril 2018

Au matin, une bonne surprise nous attend : notre guide nous a préparé des crêpes ! Nous démontons donc le camp dans la bonne humeur, et dans un timing norvégien parfait, la chenillette qui doit nous récupérer apparaît au loin. Deux heures plus tard nous retrouvons le confort de la guesthouse, les draps propres, les toilettes au chaud et surtout... la douche ! C'est sans conteste la meilleure de ma vie, avec la musique à fond pour changer de celles que j'avais en boucle dans la tête pendant tout le raid...


Le soir, nous apprécions le diner dans un restaurant local très sympathique.

8 avril 2018

Après une nuit contrastée en ce qui me concerne, extrêmement confortable mais ponctuée par des bouffées de chaleur et des picotements, nous profitons une dernière fois de Longyearbyen où la vie nous paraît alors plus douce qu'au premier abord : visite du musée, shopping, balade...

Après un dernier repas d'anthologie concocté par notre guide, nous prenons la direction de l'aéroport pour un long voyage perturbé par les grèves. Le retour à la "civilisation" est brutal et le trajet dans un RER parisien à la hauteur de sa réputation nous rappelle que l'inconfort n'est pas toujours là où l'on croit...

Quelques semaines se sont écoulées depuis notre retour et le rythme effréné de la vie moderne a repris ses droits, mais il est temps de tirer un petit bilan de cette aventure peu commune.

L'expérience a été très enrichissante et j'y ai trouvé ce que je recherchais : sortir de ma zone de confort, repousser quelques limites et apprendre à se gérer au mieux dans le froid polaire permanent. Cela a été aussi et avant tout une belle expérience humaine, qui plus est partagée avec mon père.

J'ai parfaitement retrouvé mes doigts au bout d'un mois, après différentes phases où la peau a durci, pris une teinte marron puis a pelé.

Le corps a encore démontré sa fabuleuse capacité d'adaptation et de retour à l'homéostasie...


Les difficultés éprouvées lors de cette expédition s'estompent peu à peu et il ne reste désormais que des souvenirs inoubliables.

Sans nul doute, cette aventure en appellera d'autres, il y a tellement à explorer dans ce monde. Mais chaque chose en son temps...



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